Trouver de l’Eau dans les Pays où il ne pleut PAS !?

(Publié par El Watan le samedi 09/03/2024)

1. Introduction

Déjà dans le titre il y a comme un étonnement, comme lorsque l’on se trouve devant une aberration, et une question en se disant « Mais ! Comment faire ? »

C’est un peu tout cela, en réalité c’est le challenge que l’Algérie affronte, gouvernance et peuple compris, encore plus dans cette nouvelle Algérie qui prend racines, et plus concrètement la communauté des géoscientistes algériens en premier lieu.

Cette problématique va prendre une importance encore plus cruciale avec les perturbations climatiques de ce début de changement climatique global. Nous sommes obligés d’y faire face car elle avance vers nous, nous ne pouvons y échapper.

Notre vision globale concerne la place de l’eau, dans notre conception tous azimuts, pour l’alimentation en eau potable (AEP) des Algériens, pour les besoins de l’agriculture et de l’industrie, pour le développement de l’économie du sud.

Il y a matière à faire blanchir les cheveux des géoscientistes à travers des nuits blanches, en séries successives, l’une après l’autre.

Dans ce texte, il s’agit de quelques éléments méthodiques qui gravitent dans mes réflexions depuis ces dernières années, un embryon de méthodologie que je voudrais partager avec vous tous pour certains passages, mais beaucoup plus avec des géoscientistes pour d’autres paragraphes.

Il s’agit, à mon avis en premier lieu, de réfléchir d’une autre manière, de se débarrasser de certains « acquis et routines techniques et scientifiques » de notre savoir-faire, de notre travail quotidien. Des schémas classiques, conventionnels qui ont des effets négatifs actuellement alors que dans le passé leurs effets en question avaient des résultats positifs.

Remplacer quoi par quoi alors ? Est-il possible de nous réinventer dans ces domaines technologique et scientifique ? Est-ce que nous avons un choix ?

Il faut se dire que nous n’avons pas de choix ! Et il faut faire vite, car pour passer de la réflexion à sa maturité au point de générer de nouvelles méthodologies, et pour que dans notre société elles percent le bouclier des habitudes et de la routine, il faut aussi du temps comme partout dans le monde, mais encore plus de temps dans notre société.

Je prendrais comme premier exemple le cas de la Mitidja.

2. Les Drains pour Éviter les Marécages… sont à REVOIR !

Il fut un temps, au début de la colonisation au XIXᵉ siècle, des travaux avaient été engagés pour éviter les résultats marécageux d’un surplus d’eau de pluie. Aussi, des drains sous forme de tunnels en pente douce vers la mer avaient été creusés, permettant d’évacuer le « surplus » d’eau de pluie vers la mer.

Une excellente technologie, adaptée à ce cas précis, mais qui n’est plus adéquate actuellement, car il n’y a, très probablement, plus de surplus d’eau y compris dans la Mitidja.

Aussi, il faut les fermer ces drains, ils ont fait leur temps !

3. Des Nappes Souterraines sont à RECHARGER Artificiellement

Reprenons le cas de la Mitidja comme exemple, il faut au contraire augmenter la recharge des différents niveaux aquifères en dirigeant les eaux de ruissellement vers l’infiltration et non vers la mer.

Une technologie simple, à notre portée, qu’il faut développer et généraliser pour réduire de plus en plus les eaux de ruissellement de stagner en surface et/ou de s’écouler vers la mer.

Il s’agit de concevoir cela par des travaux d’aménagement, utilisant la morphologie du sol, pour faire ruisseler les eaux de pluie vers les nappes souterraines les plus proches.

4. Protéger ces Nappes de la Pollution !

La pollution provenant de l’urbanisation galopante et l’utilisation intense des engrais et insecticides dans certaines régions agricoles prend de l’ampleur, d’autant plus que les rejets néfastes de certaines industries s’ajoutent.

Le recyclage doit prendre une importance aussi grande que l’approvisionnement en eau potable.

5. Éviter de Construire des Barrages à Ciel Ouvert : les Barrages d’Inféroflux sont mieux Adaptés

Cette technologie est connue depuis longtemps : il s’agit tout simplement d’édifier un barrage souterrain étanche dans le lit de l’oued, dans les alluvions déposées par l’oued.

Une pelle mécanique suffirait à faire une tranchée pour la remplir d’argiles, par exemple. On crée ainsi une réserve d’eau souterraine pour la protéger de l’évaporation.

Certes, dans certains cas, ce seront des réserves minuscules, mais nous entrons dans une époque où chaque goutte d’eau compte dans le bilan.

6. Les Eaux Souterraines Fossiles du Sud

Avec les premiers forages pétroliers au Sud au début des années 1950, on découvre cette nappe dite de l’Albien, renommée plus tard avec l’accumulation de données, le SASS (Système d’Aquifères du Sahara Septentrional).

Ces réservoirs ont été remplis d’eau de pluie durant une période miraculeusement pluvieuse, approximativement entre -40 000 et -10 000 ans.

Depuis les années 1950, nous puisons abusivement de cette nappe du SASS pour l’alimentation en eau potable, l’agriculture saharienne et l’industrie. Avec l’expansion du secteur minier, les besoins en eau augmentent encore.

7. Rechercher le Tracé des Fleuves Fossiles (O. Tamanrasset, …)

L’exemple le plus élémentaire est celui de l’Oued Tamanrasset.

Des études appropriées de son tracé nous permettraient de déceler des réservoirs possibles dans les alluvions, mais aussi le cas probable d’aquifères profonds.

Cela ouvrira la porte à la découverte d’autres fleuves anciens.

8. Initier la Recherche des Aquifères Perchés

Depuis des lustres, les géoscientistes ont prospecté les aquifères des plaines et dépressions.

Mais la prospection des réservoirs perchés est inexistante, alors que l’exemple frappant du Djurdjura prouve qu’ils peuvent exister.

9. Initier la Recherche des Eaux Profondes Contrôlées par les Failles

Certaines failles peuvent constituer des conduits (et même des réservoirs !) d’eau.

C’est un tout nouveau champ de recherche qui pourrait ouvrir des perspectives inattendues.

10. Mais dans tout cela, il s’agit de GISEMENTS d’eau… !

Bien que ces méthodes permettent de découvrir de nouveaux gisements d’eau fossile, ils restent épuisables.

La solution durable reste le dessalement des eaux de mer et des chotts.

Mais cette technologie coûte encore trop cher. Il faudra innover pour la rendre plus abordable.


Saadallah Abdelkader, Dr en géosciences, conseiller auprès du Ministre de l’Énergie et des Mines (05/03/2024)